Duardo Sylvestre

Tam-tam

mon être bu fond dans le paysage

des mots debout

en effervescence en moi

comme l’enfance dans ses premiers balbutiements

son premier voyage d’outre monde

mes membres dans une gestuelle

traduisent mon état d’âme

Je suis là

mon corps retenu par un fil

sombre sans âme comme une ville sans bordel

je tremble

un roulement

mon âme passe tranquille

le tam-tam continue

un alphabet se mue

dans l’entonnoir trop mince de la mémoire

se rappeler 

non penser

les mots goûtent

goûter est pluriel

pluriel sur nous et en nous

nous par les mots

sourires blessures

soupirs murmures

apprendre à se taire

laisser paraître l’autre en nous qui se terre

l’autre ce manque d’espace de nous

bavard comme le silence

les mots ne disent que l’incipit

de ce que nous ressentons

de ce que nous vivons

c’est un voyage qui nous prend en océan

pour une visite de cent lieux

de notre indifférence de l’autre

l’autre nous en un de nos multiples aspects

sourires blessures

lutte de nous

avec nous et contre nous

l’agréable en nous prend forme

comme une cocotte en papier

jetée dans la mer

le tam-tam m’entraîne

au pays des mots qui durent

je renais ma voix aux autres

 

En veilleuse

il est venu le temps de secouer l’arbre des pensées trop mûres

l’arbre des pensées recettes de pauvreté

l’humanité est en veilleuse depuis trop longtemps

depuis que la terre est devenue jouet d’enfant

depuis que sur la cour des nations

se sont construits des villages parallèles

l’humanité est en veilleuse

depuis que les chamanes sont mis au rancart

les voix de la terre ne sont plus inaudibles

on les fabrique à mesure

on les cultive à loisir

l’humanité est en veilleuse

à l’intersection des villages parallèles

l’espoir est frappé d’apoplexie

les voies de la terre dépassent ses limites

l’humanité est en veilleuse

à l’aube une partie de poker

les maîtres de la perversion jouent le monde

une pluie de cartes tombe à l’horizon de toute naissance

le ciel est retranché dans des rêves d’ordinateurs

les sentiments gorgés d’émotions attendent d’être éprouvés

l’humanité est en veilleuse

La lucidité de la faim fait des rictus à la misère

témoin le faiseur de mots s’est tu en moi

témoin un peintre passionné noie son envie de vivre

la fraîcheur des paysages qu’il rêve

il jette des éclats de lune dans la noirceur d’une hécatombe

où les mères du Rwanda regardent leurs paquets d’espoirs

jetés dans le sommeil d’une nuit trop longue

où les pas inquiets de la jeunesse haïtienne

caressent le sol  vers leurs coins de rêve

à chaque minute la peur viole

l’humanité est en veilleuse

dans les mers du monde les enfants des Gonaïves

les enfants de Thaïlande les enfants d’Iran jouent un concerto

dont les notes nourrissent le cauchemar des marins

il est venu le temps de secouer l’arbre

des pensées trop mûres

pour faire renaître l’espoir

 

Toi moi

toi moi

une amitié donnée comme un baiser volé

un baiser qui mange ta bouche

ma bouche

nos êtres se confondent

nous retrouvons notre gaieté

toi moi

une folie partagée

la chaleur de la neige est dans ta bouche

ma bouche ton corps

mon corps dans une marre de transpiration

tu me façonnes je ne suis pas poète

j’épie tes mots pour retrouver mon âme

penser à toi est plein de trouvailles

et tu déploies ta beauté arc-en-ciel pour une visite guidée

des lieux merveilleux de ce pays

où les arbres chantent sous les caresses du vent

où l’hiver est un prince dément

un prince dont les regards rendent fou

fou d’amour si l’on se donne

brusquement sans réticence et sans mesure 

comme les arbres se donnent au vent

dans un baiser entre ciel et terre

et tu déploies ta beauté arc-en-ciel au bras de ce pays

que tu appelles ton amant

sous les regards étonnés envieux des passants

d’un siècle en mal d’amour

Amour non sens devenu sensé

par tes gestes ta voix tes mots

 

Extraits du recueil de poésie  « Passage »

En moi

je vais à toi

un ciel de terre

attend un pied gauche

qui n’est pas le mien

un vaksin allume mon corps

loin des quartiers

qui m’habitent

avilissant mes sens

dans les débordements

je vais à toi

Qui vers ma maisonnée

a parsemé ses rêves

un temps pressé

sommeille des chemins

vers l’alphabet

dés de l’enfance

au vent de l’histoire

de toutes les absences

pourquoi rire

avec l’éphémère

provisions d’insouciance

à la pluie de la saison

des désagréables débâcles

le temps incube des papillons

et nourries de raison

les unions étirent leurs cordes

Terres où mes pas vont

quand le rêve s’effiloche

se fabrique

si mes mots vous arrivent

gonfler à crever de contresens

si ma polysémie vous prend

pour espace sémiotique

laissez laissez-vous

laissez-vous porter

voyager comme chaque goutte d’eau

de la rivière vers la mer

mes mots cachent un lago

les tourbillons d’une boule pic

À réinventer nos longues promenades

avec les éclats de nos rires troublés d’autrefois

j’ai écrit un concerto

sans gammes solitaires

loin du monologue en ré-mineur

d’un violoncelle

sous l’emprise de la folie

des doigts pleurant à mort leur touchée

emportée dans le sillage d’une ombre fine

une ombre tronquée, multipliée

de regards d’une même profondeur

d’une même sublimité

entière

je te retrouve

à l’aube de mes désirs

Mon poème est

une spirale

une envolée de mots

que toutes les surfaces veulent contenir

mais qui s’y refuse

mon poème est

un désir

un sentiment

dont le corps veut se désemplir

mais qui s’incruste

mon poème est

un rêve

une pensée

que la vie porte pour toujours fleurir

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