Tam-tam
mon être bu fond dans le paysage
des mots debout
en effervescence en moi
comme l’enfance dans ses premiers balbutiements
son premier voyage d’outre monde
mes membres dans une gestuelle
traduisent mon état d’âme
Je suis là
mon corps retenu par un fil
sombre sans âme comme une ville sans bordel
je tremble
un roulement
mon âme passe tranquille
le tam-tam continue
un alphabet se mue
dans l’entonnoir trop mince de la mémoire
se rappeler
non penser
les mots goûtent
goûter est pluriel
pluriel sur nous et en nous
nous par les mots
sourires blessures
soupirs murmures
apprendre à se taire
laisser paraître l’autre en nous qui se terre
l’autre ce manque d’espace de nous
bavard comme le silence
les mots ne disent que l’incipit
de ce que nous ressentons
de ce que nous vivons
c’est un voyage qui nous prend en océan
pour une visite de cent lieux
de notre indifférence de l’autre
l’autre nous en un de nos multiples aspects
sourires blessures
lutte de nous
avec nous et contre nous
l’agréable en nous prend forme
comme une cocotte en papier
jetée dans la mer
le tam-tam m’entraîne
au pays des mots qui durent
je renais ma voix aux autres
En veilleuse
il est venu le temps de secouer l’arbre des pensées trop mûres
l’arbre des pensées recettes de pauvreté
l’humanité est en veilleuse depuis trop longtemps
depuis que la terre est devenue jouet d’enfant
depuis que sur la cour des nations
se sont construits des villages parallèles
l’humanité est en veilleuse
depuis que les chamanes sont mis au rancart
les voix de la terre ne sont plus inaudibles
on les fabrique à mesure
on les cultive à loisir
l’humanité est en veilleuse
à l’intersection des villages parallèles
l’espoir est frappé d’apoplexie
les voies de la terre dépassent ses limites
l’humanité est en veilleuse
à l’aube une partie de poker
les maîtres de la perversion jouent le monde
une pluie de cartes tombe à l’horizon de toute naissance
le ciel est retranché dans des rêves d’ordinateurs
les sentiments gorgés d’émotions attendent d’être éprouvés
l’humanité est en veilleuse
La lucidité de la faim fait des rictus à la misère
témoin le faiseur de mots s’est tu en moi
témoin un peintre passionné noie son envie de vivre
la fraîcheur des paysages qu’il rêve
il jette des éclats de lune dans la noirceur d’une hécatombe
où les mères du Rwanda regardent leurs paquets d’espoirs
jetés dans le sommeil d’une nuit trop longue
où les pas inquiets de la jeunesse haïtienne
caressent le sol vers leurs coins de rêve
à chaque minute la peur viole
l’humanité est en veilleuse
dans les mers du monde les enfants des Gonaïves
les enfants de Thaïlande les enfants d’Iran jouent un concerto
dont les notes nourrissent le cauchemar des marins
il est venu le temps de secouer l’arbre
des pensées trop mûres
pour faire renaître l’espoir
Toi moi
toi moi
une amitié donnée comme un baiser volé
un baiser qui mange ta bouche
ma bouche
nos êtres se confondent
nous retrouvons notre gaieté
toi moi
une folie partagée
la chaleur de la neige est dans ta bouche
ma bouche ton corps
mon corps dans une marre de transpiration
tu me façonnes je ne suis pas poète
j’épie tes mots pour retrouver mon âme
penser à toi est plein de trouvailles
et tu déploies ta beauté arc-en-ciel pour une visite guidée
des lieux merveilleux de ce pays
où les arbres chantent sous les caresses du vent
où l’hiver est un prince dément
un prince dont les regards rendent fou
fou d’amour si l’on se donne
brusquement sans réticence et sans mesure
comme les arbres se donnent au vent
dans un baiser entre ciel et terre
et tu déploies ta beauté arc-en-ciel au bras de ce pays
que tu appelles ton amant
sous les regards étonnés envieux des passants
d’un siècle en mal d’amour
Amour non sens devenu sensé
par tes gestes ta voix tes mots
Extraits du recueil de poésie « Passage »
En moi
je vais à toi
un ciel de terre
attend un pied gauche
qui n’est pas le mien
un vaksin allume mon corps
loin des quartiers
qui m’habitent
avilissant mes sens
dans les débordements
je vais à toi
Qui vers ma maisonnée
a parsemé ses rêves
un temps pressé
sommeille des chemins
vers l’alphabet
dés de l’enfance
au vent de l’histoire
de toutes les absences
pourquoi rire
avec l’éphémère
provisions d’insouciance
à la pluie de la saison
des désagréables débâcles
le temps incube des papillons
et nourries de raison
les unions étirent leurs cordes
—
Terres où mes pas vont
quand le rêve s’effiloche
se fabrique
si mes mots vous arrivent
gonfler à crever de contresens
si ma polysémie vous prend
pour espace sémiotique
laissez laissez-vous
laissez-vous porter
voyager comme chaque goutte d’eau
de la rivière vers la mer
mes mots cachent un lago
les tourbillons d’une boule pic
À réinventer nos longues promenades
avec les éclats de nos rires troublés d’autrefois
j’ai écrit un concerto
sans gammes solitaires
loin du monologue en ré-mineur
d’un violoncelle
sous l’emprise de la folie
des doigts pleurant à mort leur touchée
emportée dans le sillage d’une ombre fine
une ombre tronquée, multipliée
de regards d’une même profondeur
d’une même sublimité
entière
je te retrouve
à l’aube de mes désirs
Mon poème est
une spirale
une envolée de mots
que toutes les surfaces veulent contenir
mais qui s’y refuse
mon poème est
un désir
un sentiment
dont le corps veut se désemplir
mais qui s’incruste
mon poème est
un rêve
une pensée
que la vie porte pour toujours fleurir
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